Déjà récompensé pour son roman « Fruits et légumes », le journaliste et écrivain Anthony Palou a reçu le prix Prix Renaudot de l’essai 2021 pour son dernier livre « Dans ma rue y avait trois boutiques », un véritable plaidoyer pour les petits commerces. Une promenade dans le temps et aux quatre coins de la France, avec comme fil conducteur des histoires de commerçants. Forcément, on a adoré !
« Dans ma rue y avait trois boutiques » a obtenu le Prix Renaudot de l’essai. Qu’est ce que cela signifie pour vous en tant que fils et petit-fils de commerçant ?
Anthony Palou : Le prix Renaudot de l’essai pour ce livre m’est très cher. Cela fait bien longtemps que je m’intéresse aux petits commerces. Je suis né dans une famille de petits marchands primeurs qui a connu la crise. Celle de l’arrivée des grandes surfaces. Il y a dans ce récit qui est une charmante babiole, une mosaïque, une rêverie toute une matière première, une comédie humaine. J’ai voulu, en autre chose, glorifier le commerçant du coin, ennoblir l’homme ordinaire dans le bon sens du terme. Leurs boutiques sont mes cartes postales.
En tant que journaliste, vous écrivez des critiques de théâtre. Quel sont pour vous les points communs entre les petits commerces et le théâtre ?
Anthony Palou : Les petits commerces sont un lieu extraordinaire. Je me souviens de ces charcutiers, bouchers, primeurs, fromagers, poissonniers qui se retrouvaient à l’aube au bistrot du coin – le Balto ? Le Bretagne ? – devant un verre de muscadet ou d’autres trucs à vous redresser un bossu. Ils refaisaient le monde d’une manière fort poétique. Se jouait là, bien entendu, une pièce de théâtre où chacun y allait de sa réplique. Il y avait, entre deux gorgées, de la tendresse et de la rudesse. Caméléon, je me suis fondu dans leur décor et parfois j’ai vu au fond de leur verre des motifs inattendus.
Votre livre est plutôt nostalgique. Croyez-vous au retour des petits commerces ?
Anthony Palou : Mon livre, je crois, n’est pas nostalgique. Je n’ai pas une vision romantique, sentimentale du monde. Bien entendu, je n’aime pas beaucoup le sens de l’histoire, celle de ces villes désertées de leurs petits commerces remplacés par des franchises. Je me souviens qu’à tel ou tel endroit, il y avait par exemple un cordonnier, une mercerie, un électricien, un disquaire… Tous transformés en Gap, Benneton, H&M, ou des comptoirs de ventes à emporter. Aussi, lorsque vous arrivez dans n’importe quelle ville moyenne, vous traversez toujours les mêmes zones suburbaines, les mêmes supermarchés, les mêmes marchands de meubles… Je disais que je n’ai pas une vision romantique du monde mais j’ai une vision plutôt cyclique de l’histoire. C’est pour ça que je pense que tout n’est pas perdu. Les petits commerces ont étés engloutis par les supermarchés, les supermarchés seront digérés par la vente en ligne et ainsi de suite. Les petits commerces renaîtront. Les libraires, par exemple…
Vous avez rencontré des dizaines de commerçants. Avez-vous une histoire à nous raconter s ur un petit commerce qui n’est pas dans le livre ?
Anthony Palou : J’ai rencontré un ex-huissier qui avait saisi la boutique d’un marchand de jouet. Sans doute pris d’un insoutenable remords, pendant les fêtes de fin d’année, il se déguise désormais en père Noël et distribue des cadeaux aux enfants démunis.
–
Un grand merci à Anthony Palou pour son temps et encore bravo pour le prix Renaudot de l’essai !
Copyright Photo : ©Emily Bourgin / Studio Place des Editeurs / Les Presses de la Cité
Lire aussi :
Nos questions à Vincent Chabault, auteur du livre « Éloge du magasin » qui valorise le rôle des petits commerces !
Shopfronts of London : le livre de devantures illustrées de petits commerces qui fait le buzz !